« Paul Valéry est de ceux sans lesquels une des cinq ou six pointes extrêmes du vers français n’existerait pas. C’est aussi, mais ce n’est pas seulement à la manière d’un mathématicien qu’il a introduit dans la poésie de nouvelles fonctions. »
Il est entendu que Valéry est un poète, un grand poète. Dans le monde de la littérature pure (peut-être aussi restreint que celui des mathématiques supérieures) chacun de ses poèmes, depuis la Jeune Parque, a été salué comme un événement. Nous sommes loin de la raillerie qui environnait Mallarmé. Un prestige singulier avait d’ailleurs éclairé cet intervalle de près de vingt ans, qui sépare, chez Valéry, ses poèmes nouveaux de ses vers anciens. On imagine volontiers entre les uns et les autres une puissance incomparable de recueillement et de méditation : ainsi, devant la fontaine qui ramène au jour les eaux des plateaux de Vaucluse, on évoque ces grottes inaccessibles qui sillonnent le calcaire, et dont l’obscurité inhumaine garde bien plus de merveilles qu’il n’en paraît au soleil entre le rocher et le figuier. Les meilleurs esprits réalisent Valéry en ce mot, prononcé avec toute la ferveur et toute la plénitude qu’il appelle du cœur : le Poète.